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Un texte inspirant pour les coureurs que nous sommes : c'est un extrait de "Flammes de vie" d'Orson Scott Card...

"Ils s’alignèrent derrière lui au bord du fleuve. Alvin se mit en route, puis accéléra le pas, passa au trot bondit et courut comme un dératé. Au début ses compagnons peinèrent mais bientôt ils entendirent comme une musique qu’aucun instrument ne jouait qui n’appartenait à aucun des registres chantés ou destinés à la danse, mais que composaient le chuintement du vent dans la ramure et le pépiement des oiseaux, le jacassement des écureuils et le bourdonnement des insectes, le grésillement blanc et aigu des rayons du soleil frappant la rosée sur les feuilles, les bouffées languissantes de la vapeur d’eau se distillant dans l’atmosphère. Le rythme de leurs foulées se fondit dans la musique, et le monde autour d’eux devint une tache floue et verte contenant chaque feuille, chaque arbre, chaque motte de terre pour en faire un tout unique ; et les coureurs participaient de ce tout, leur course participait du chant, et les feuilles s’écartaient pour les laisser passer, l’air les rafraîchissait, ils franchissaient les cours d’eau sans se mouiller les pieds, et au lieu de souffrir de fatigue dans les jambes ou de points de côté, ils se sentaient euphoriques, débordants de toute la vie environnante. Ils auraient pu courir ainsi éternellement.

 Au bout d’un moment, le chant vert s’affaiblit. Les arbres se réduisirent à une langue boisée le long du fleuve. Les champs cultivés produisaient une musique en sourdine, un fredon de milliers de vies identiques. Des bâtiments brisaient carrément le chant, créaient des plages de silence presque douloureuses. Les coureurs titubaient, sentaient le martèlement de leurs pieds sur le sol qu’ils trouvaient rude à présent, et les branches les cinglaient au passage. Du galop, ils retombèrent au petit trot, puis à la marche et finirent par s’arrêter. Comme un seul homme, ils se détournèrent des champs et des bâtiments, se détournèrent de la ville de Boston et des grands mâts des bateaux dans le port qui pointaient au-dessus des toits des maisons, puis contemplèrent vers l’amont du fleuve l’immensité à travers laquelle le chant vert les avait transportés.

 « Mon Dieu, fit Audubon. J’ai volé sur des ailes d’ange. »

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